L’émergence des pollutions de l’air intérieur comme problème public local : mobilisations sociales et politiques
Responsable : Sylvie Ollitrault (CRAPE)
Partenaire : Jean-Pierre Le Bourhis, Florence Jamay (CURAPP)
La sociologie des mobilisations a produit ces dernières années de nombreuses analyses des mouvements écologistes et des contestations initiées par les acteurs et réseaux; Celles-ci se sont développées en parallèle avec les travaux des sociologues de l’action publique, explorant la mise sur l’agenda politique des problèmes d’environnement et le rôle des groupes d’intérêt dans l’élaboration de l’action publique.
Au croisement de ces deux types d’intérêt, l’étude des plaintes environnementales a mis plus récemment en relief de nouvelles formes de contestation axées sur la défense d’un environnement sain.
Ces pratiques sont souvent associées de manière hâtive à la catégorie des N.I.M.B.Y (not in my backyard).
Prenant acte de ces évolutions, les recherches ont révélé la mise en place d’une expertise profane au sein de ces groupes : usage de registres discursifs intégrant les notions de risque et d’incertitude, mobilisation d’arguments de type scientifique ou technique, production de connaissances autonomes, etc. Elles montrent également par quelles voies ces populations concernées prennent conscience de la présence de risques au sein de leur environnement proche.
Des associations de victimes se forment, apportent un soutien organisationnel et cognitif à leurs membres, font circuler des informations concernant leurs dommages voire leur pathologie (les électro-sensibles, les victimes de l’amiante, les riverains victimes des émanations dues aux algues vertes).
Les mobilisations locales tendent alors à transformer les représentations que les individus ont de leur cadre de vie, leur faisant prendre conscience de son caractère potentiellement pathogène et les incitant à prendre la mesure des dangers perçus via différentes pratiques de collecte d’information (usages d’instruments de type dosomètre, accès aux expertises publiques disponibles, comme celle de l’ANSES).
Nous appliquerons à la question de la pollution de l’air intérieur une série d’hypothèses fondées sur les apports croisés de la sociologie des mobilisations, de l’analyse des politiques publiques et de la sociologie des sciences.
Nous enquêtons auprès des principaux acteurs publics mobilisés (État et collectivités territoriales à l’échelon régional et infrarégional) sur les pratiques locales dans l’objectif de cartographier les types de mobilisations qui sont à l’œuvre autour des questions de pollution d’air intérieur.
Nous menons une veille comparative sur différents terrains où se signalent des mobilisations autour des questions de santé environnementale ayant trait à la pollution de l’air intérieur.
Une cartographie des mobilisations émergentes sur cette question est réalisée dans ce cadre en repérant de manière spatiale :
- Quels sont les types d’habitats concernés ?
- Quelles populations se mobilisent le plus facilement ?
- Des revendications plus sociales émergent-elles ou restent-elles strictement du domaine environnemental ?
Outre la description des situations visées, ces données permettront d’aborder des questions plus générales en lien avec la thématique des inégalités sociales et environnementales : la question de la justice environnementale, qui est au cœur des travaux nord-américains.
Nous mettons à jour les formes de circularité entre les arènes politico-administratives qui tentent d’amorcer une réelle prise en compte de l’enjeu de la pollution de l’air intérieur et les formes d’appropriation des populations qui peuvent se concrétiser par des mobilisations : interpellation des élus, recours aux tribunaux ou encore forme de mise en alerte dans les médias.
Plus spécifiquement, on portera également attention aux types d’arguments mobilisés (à caractère technique et scientifique) et à l’usage des techniques qui objectivent les risques (indicateurs, instruments de mesure).